Journalisme et protection des sources : l’imbroglio marocain

C’est le syndrome de l’œuf et de la poule : régulièrement les pouvoirs publics et les journalistes s’accusent mutuellement des pires ignominies sur fond de protection des sources et de révélations. Le récent bras de fer entre le ministère de l’intérieur et quelques directeurs de publication de journaux ainsi que le Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM) n’en est qu’un énième avatar qui serait insignifiant s’il ne portait sur une question particulièrement sensible : les accointances des Walis et gouverneurs avec des partis politiques. En effet, nommés par Dahir et censés représenter l’état et donc être impartiaux, certains Walis et gouverneurs sont accusés par la presse d’être proches du Parti Authenticité et Modernité, et donc de l’ancien ministre délégué à l’intérieur Fouad Ali Himma, voire de lui être redevables de leur nomination. Derrière cette accusation relayée par la presse, il faut également reconnaître qu’un autre agenda partisan se profile peut être, car les accusations étaient suffisamment vagues pour permettre tous types d’interprétation tout en stigmatisant le PAM, qui est la cible régulière des attaques depuis quelques mois. Disons le tout cru, l’on a tout à fait le droit d’être contre le PAM, son fondateur Ali El Himma, ou la doctrine que celui-ci représente, qui est plutôt conservatrice. Cependant, il est dangereux pour la démocratie marocaine de vouloir réduire l’échec collectif de la classe politique à un seul parti, fusse-t-il aussi puissant que le PAM. Car à vouloir à tout prix trouver des responsables à la faiblesse de la classe politique, le risque de désigner des boucs émissaires est trop grand, et pourrait porter préjudice  au processus de rénovation ouvert par la nouvelle constitution. En réalité, à la racine du problème, se trouve la question de la protection des sources pour les journalistes. En l’absence d‘un texte clair et sans équivoque, les mêmes débats du style de celui qui se déroule en ce moment entre le SNPM et le ministère de l’intérieur ne verront jamais la fin. En effet, il est tout simplement honteux que le Maroc ne puisse se doter d’un code de la presse moderne qui mette tout le monde en face de ses responsabilités : pouvoirs publics, citoyens et journalistes. Ainsi, peut être pourrions nous enfin avoir une presse qui serait à l’image de l’ambition que les marocains nourrissent pour leur pays, où il serait normal que les communiqués et droits de réponse passent, et que les journalistes puissent reconnaître s’être trompés lorsque cela leur arrive (et cela nous arrive). Enfin, la responsabilisation signifierait aussi que la contrainte par corps devra absolument être abolie  pour des délits d’opinion, quels qu’ils soient. La voie de la démocratie est à ce prix.