L’on ne peut parler de bloc monolithique lorsque l’on évoque la « bourgeoisie » marocaine, mais il se dégage cependant un certain nombre d’attitudes, voire une convergence d’opinion dès que l’on approche les classes aisées dans cette ambiance post-referendum constitutionnel. Paradoxalement, la bourgeoisie marocaine a exprimé sa soif de voir les réformes entamées par la révision de la constitution poursuivies, alors même que l’on aurait pu s’attendre à la voir se satisfaire du « oui » massif au référendum. Dans le quartier huppé d’Anfa, à Casablanca, nous avons pu interviewer Afaf, une casablancaise au volant d’un rutilant 4×4, qui nous a affirmé « espérons maintenant que le gouvernement mettra en pratique la nouvelle constitution, au vu de ses réalisations précédentes, j’en doute ». Ainsi, il se dégage une certaine défiance vis-à-vis des instances élues, quelle que soit leur nature, alors même que la classe aisée et la bourgeoisie en a été la principale pourvoyeuse. Autre paradoxe, les bourgeois espèrent que les politiques n’auront pas la main-mise sur les nominations, tant elles redoutent les réflexes claniques qui caractérisent les partis marocains. « Si l’Istiqlal rempile, on peut être certain que tous les postes à responsabilité dont la nomination incombe au chef du futur gouvernement sera estampillé Istiqlal ou affiliés », nous assure Issam, un haut cadre bancaire rencontré au pied du Twin Center de Casablanca. Cette crainte du clientélisme et du népotisme semble bizarre, tant, là aussi, c’est la bourgeoisie qui semblait profiter de ce système. Se pourrait-il que les riches soient devenus révolutionnaires ? L’on serait tenté de le croire, puisque els maux dont se plaignent la majorité des marocains sont désormais devenus une préoccupation globale de l’ensemble de la population, bien que cette dernière refuse-aparemment- que lui soit confisqué le vent de changement au profit des politiciens, auquel aucun crédit n’est accordé. « Le manque d’initiative des partis lors des consultations avec la commission est consternant, l’on avait l’impression que c’était la commission qui tentait de les convaincre de sortir de leur carcan et d’essayer d’être courageux. Ils ont raté une occasion en or de redevenir audible », nous confie ce membre du bureau exécutif de l’USFP, qui pense que son parti souffre des même maux que la société marocaine, à savoir une conception très « personnelle » de la promotion interne, et un blocage systématique des nouveaux entrants, dont la jeunesse.
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