Dans pratiquement tous les milieux marocains, que l’on soit riche ou pauvre, l’on se refile les numéros de ceux qui peuvent aider à « résoudre le problème », qu’ils soient des praticiens avec cabinet ayant pignon sur rue, ou bien les fameuses « faiseuses d’anges » traditionnelles, qui exercent avec des instruments rudimentaires et dangereux. Bien que l’avortement soit officiellement interdit, le Maroc exerce en réalité une « tolérance vigilante » à l’encontre de ceux qui pratiquent l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Si les autorités ferment les yeux sur ce type de pratiques strictement illégales en théorie, c’est surtout parce que les grossesses non désirées touchent surtout les filles-mères, ainsi que les femmes non mariées, qui se retrouvent sous le coup d’une potentielle « double peine » : à savoir élever leur enfant seule et subir les affres de la « hchouma », la « honte » que la société marocaine, encore très conservatrice, est prompte à déverser sur celles qui veulent « faire un enfant toute seule ». ou sur celles qu’il soupçonne d’être des filles de petite vertu. Or, c’est à près d’un mois des élections législatives anticipées que le gouvernement en bout de course de Abbas El Fassi semble vouloir se positionner sur ce sujet à travers le ministère de la famille de Nouzha Skalli, ce qui fait dire à nombre d’observateurs de la vie politique marocaine qu’il s’agit là d’une énième tentative de passer à la brosse à reluire un bilan gouvernemental guère reluisant jusqu’alors. En effet, quelle autre explication donner à l’irruption soudaine de ce thème, alors même qu’aucune urgence n’était constatée et que les avortements se pratiquaient sous le regard indifférent des autorités ? Un début de réponse se trouve dans l’explication avancée par Nouzha Skalli, qui affirme en effet que : «Le recours à l’avortement légal dans des cas extrêmes, comme le viol, l’inceste ou les malformations profondes du foetus, n’est plus un tabou. Il fait partie d’un agenda gouvernemental». Or, en parlant d’ « agenda gouvernemental », Mme Skalli fait-elle allusion au gouvernement actuel auquel il reste moins de quarante jours ? Ou bien faut il voir dans sa déclaration l’assurance que l’actuelle majorité serait reconduite, voire que la ministre pourrait conserver son maroquin ? En effet, aussi noble puisse paraître la cause des femmes victimes de viol ou d’inceste, le gouvernement a-t-il le droit d’exploiter la détresse de certaine femmes à des fins que l’on devine bassement électoralistes ? L’on est en droit de se demander en effet si le gouvernement conduit par Abbas El Fassi ne ferait pas mieux de s’abstenir de toute proposition ou réforme avant les élections, au nom du respect basique d’u principe qui semble lui être totalement étranger : la démocratie.
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