Les absents ont toujours tort. C’est le mot d’ordre qui revient en leitmotiv dans les propos des politiques et de pratiquement tous les commentateurs des médias ce vendredi, jour d’un scrutin décisif où l’abstention est vue par beaucoup comme une incompréhensible renonciation. Car l’enjeu est de taille : pour la première fois les électeurs marocains voteront à des législatives, en sachant d’avance que le chef de gouvernement sera issu du parti arrivé en tête.
Aussi, malgré la mobilisation des pouvoirs publics et des partis, l’incertitude sur le taux de participation est réelle, vu la désaffection des électeurs par rapport à une classe politique éclaboussée par les affaires et largement déconsidérée. Craignant une abstention massive comme aux législatives de 2007, les partis ont multiplié tout au long de la campagne électorale, les appels à la mobilisation des électeurs. Certaines formations ont orienté leurs discours en direction des jeunes, comptant sur leur ressaisissement de dernière minute. Et en l’absence de sondages fiables, interdits en période préélectorale par les autorités, à la demande semble-t-il des partis eux-mêmes, il serait hasardeux de se prononcer sur l’état d’esprit de ces jeunes, soudain adulés. Pourtant, les législatives anticipées de ce 25 novembre sont décisives à plus d’un titre. Non seulement elles sont les premières à avoir lieu sous la nouvelle Constitution réformée, mais elles sont aussi, et surtout, annonciatrices d’un début et non d’un aboutissement. S’il faut estimer la valeur de la Constitutiondu 1er juillet, c’est par son ouverture sur l’avenir qu’elle doit être appréciée. Le nouveau texte fondamental donne en effet le coup d’envoi d’un processus politique graduel et évolutif, dont le résultat ne doit pas être recherché dans l’immédiat. Il doit plutôt être observé au fur et à mesure de sa concrétisation par les institutions et les acteurs politiques investis de pouvoirs nouveaux et plus élargis dans la nouvelle Constitution. Dans cette perspective, l’acte volontaire et conscient de voter prend tout son sens, alors que celui de boycotter les urnes ou de s’abstenir d’aller voter, par indifférence ou par paresse, fausse le jeu dans son ensemble. Et, il ne faut pas s’y tromper, l’abstention favorisera des partis qui ne sont pas forcément les mieux appréciés par ceux qui n’iraient pas voter.