Le débat à la haute instance du dialogue national sur la réforme de la justice s’est ouvert sur un ton chaud et tonitruant. C’est le ministre de la justice et des libertés, Mustapha Ramid qui a ouvert le bal en dressant un tableau sombre du secteur de la justice. C’était lundi lors d’une rencontre préparatrice de la première conférence du Dialogue national sur la réforme judiciaire programmée pour les 11 et 12 juin. La justice au Maroc, a-t-il reconnu chiffres à l’appui, pâtit d’un manque d’efficience et de nombreux dysfonctionnements, dont la lenteur dans le traitement des dossiers et l’exécution des jugements. Rien qu’en 2011, 3.372.054 plaintes ont été déposées auprès des tribunaux du royaume, mais seulement 2.456.469 affaires ont été jugées, soit un taux de 72,85 %, le reste des plaintes ayant été reporté à 2012. En plus, 20 % des jugements rendus attendent toujours d’être exécutés. Ce déséquilibre est imputable, selon le ministre, à la médiocrité du budget accordé à son département et au faible effectif des juges en exercice. Le corps de la magistrature ne compte actuellement que 3749 juges, soit une moyenne de 12 magistrats pour 100.000 habitants. Lors des débats qui se sont poursuivis à huis-clos après la séance inaugurale, révèlent certaines indiscrétions, des intervenants ont mis le doigt sur la plaie en s’attaquant directement au corps de la magistrature. C’est le cas de Sion Assidon, militant associatif et l’un des membres fondateurs de Transparency Maroc qui est allé droit au but, en demandant au ministre de suivre l’exemple de la Tunisie, où 82 magistrats accusés de corruption et de partialité ont été démis de leurs fonctions. L’activiste marocain de confession juive a même réclamé du ministre la publication de la liste des magistrats non intègres ou corrompus. Ce qui a suscité la colère des magistrats présents à cette première réunion de l’Instance du dialogue national sur la réforme du système judiciaire, présidée par le ministre de la Justice. Ce qui n’a pas empêché Sion Assidon d’insister en exigeant que la priorité dans le cadre de cette réforme, devrait aller à la lutte contre la corruption.
D’autres intervenants ont soulevé des interrogations sur la pertinence du projet de loi portant sur l’immunité et les garanties fondamentales devant être accordées aux militaires des FAR, actuellement en examen au parlement. Ils ont également insisté sur la présence des journalistes de la presse publique et indépendantes au long des débats sur la réforme judiciaire.
En ouvrant ce vaste chantier, Mustapha Ramid et ses collaborateurs ont bien du pain sur la planche. Le débat promet d’être houleux mais captivant.