PJD et Jamaâ se font les yeux doux

Assiste-t-on à un rapprochement entre le PJD et la Jamaâ d’Abdeslam Yassine après la brouille durable qui a toujours divisé les deux branches de l’islamisme marocain ? La visite de trois personnalités d’Al Adl Wal Ihssane au domicile du chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, juste après sa réélection à la tête du PJD, n’est peut-être pas aussi anodine qu’elle paraît.
Fathallah Arsalane, le porte parole d’Al Adl Wal Ihssane et l’une des figures les plus en vue du mouvement, a présenté l’initiative comme étant une démarche de convenance pour féliciter Abdelilah Benkirane. N’empêche qu’il s’agit d’une visite qui est loin d’être de pure forme. Le caractère politique de la visite des responsables d’Al Adl Wal Ihssane est indéniable, puisque le trio est allé à la rencontre du chef du gouvernement en personne. Cela revêt d’autant plus de signification que les condisciples du cheikh Yassine étaient jusque là assez réticents à rencontrer des officiels. Bien plus, les compliments d’Al Adl Wal Ihssane à Abdelilah Benkirane peuvent être lus comme un retournement de position chez les partisans d’Abdeslam Yassine. Surtout qu’il y a quelques mois encore, ils voyaient comme une pure perte de temps la participation aux élections et même l’accès du PJD au gouvernement. Les positions des deux formations islamistes paraissaient d’autant plus irréconciliables que les modèles de société défendus par les uns et les autres étaient régulièrement mis à rude épreuve par l’actualité. Ainsi, au début de la saison estivale, les forces de l’ordre ont énergiquement interdit les campings cloisonnés que les partisans d’Al Adl Wal Ihssane voulaient organiser sur certaines plages. Les fidèles d’Abdeslam Yassine voulaient renouer avec la pratique d’occupation de plages, interdite depuis l’année 2000, pour y appliquer la séparation entre les hommes et les femmes. Le PJD n’y a vu qu’une tentative d’embarrasser le gouvernement qu’il dirige. Les amis d’Abdelilah Benkirane sont allés jusqu’à qualifier cette manière de procéder de sectaire et de provocatrice. Les exemples de désaccords ne manquent pas.
Pourtant, ces brouilles paraissent secondaires au regard des propos aimables échangés à l’occasion de la visite chez le chef du gouvernement. Faut-il y voir le début d’une réadaptation de la relation entre les deux mouvements islamistes et, au-delà, un rapprochement de la Jamaâ avec le pouvoir ? L’hypothèse n’est pas exclue.