La Jamaâ prépare sa mue

arsalane-abbadiAl Adl Wal Ihssane est-il en train de baliser la voie à sa normalisation politique ? L’interrogation découle du choix même porté par la Jamaâ sur Mohamed Abbadi, le fidèle parmi les fidèles du cheikh Abdeslam Yassine, décédé il y a près de deux semaines. Toutefois, Abbadi devrait se contenter du poste prosaïquement temporel de secrétaire général et non pas du titre de Morshid (guide).

Parallèlement, le Conseil de la Choura (sorte de parlement de la Jamaâ) a désigné au poste de secrétaire général adjoint Fathallah Arsalane, le porte-parole de la Jamaâ. Cette combinaison préfigure une probable orientation que la Jamaâ pourrait prendre à moyen terme : préserver à l’Association son caractère de communauté de prédication, tout en permettant aux politiques d’émerger progressivement. Mais il fallait d’abord se démarquer du titre éminemment spirituel de Morshid, qui a été exclusivement collé au Cheikh disparu. En lieu et place, le parlement de la Jamaâ opte pour la création de deux nouvelles fonctions au caractère bien profane, assorties d’un mandat renouvelable tous les cinq ans. Cette combinaison à la tête de la Jamaâ est, elle-même, le reflet d’un dosage bien entretenu jusqu’à présent au sein d’Al Adl Wal Ihssane. D’une part, le Conseil d’orientation, l’instrument de prédication de la Jamaâ dont Mohamed Abbadi fait partie. De l’autre, le cercle politique dont Fathallah Arsalane est l’une des principales figures. Reste toutefois au couple Abbadi-Arsalane à relever de sérieux défis. Il s’agit en effet de préserver l’équilibre que Abdeslam Yassine avait savamment maintenu pendant près de trois décennies entre deux principaux courants d’Al Adl Wal Ihssane: les traditionalistes (prédicateurs et soufis) et les jeunes, étudiants et enseignants notamment, plus enclins à descendre dans l’arène politique.

Ces derniers, plus sensibles à la dynamique sociale, semblent persuadés que la Jamaâ ne pourra pas rester indéfiniment à l’orée de l’évolution politique du pays, au risque d’être laminée par son propre isolement.