Le Roi Mohammed VI a adressé un message aux participants à la 2ème Conférence Internationale de Marrakech sur la Justice qui a entamé ses travaux, lundi dans la cité ocre, en présence de près de 800 représentants de plus de 70 pays.
Placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette Conférence, initiée sous le thème « Justice et Investissement: Défis et Enjeux », connaît la participation de plus de 40 ministres de la justice et d’un grand nombre de hauts responsables des conseils supérieurs de la magistrature et de procureurs, ainsi que des acteurs-clés des institutions économiques et financières internationales spécialisées.
Voici le texte intégral du Message royal dont lecture a été donnée par le ministre d’État chargé des droits de l’Homme et des Relations avec le Parlement, Mustapha Ramid:
« Louange à Dieu, Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.
Excellences, Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les honorables Présidents des Conseils supérieurs de la Magistrature et Présidents des Parquets généraux,
Mesdames, Messieurs,
Il Nous plaît de vous adresser ce message à l’occasion de l’ouverture de la Conférence internationale sur la justice, qui tient ici sa deuxième session. Notre Haut Patronage témoigne de l’importance particulière de cette rencontre internationale, devenue un espace d’échange d’idées, de partage d’expériences et de savoir-faire, une plate-forme pour le lancement de nouveaux partenariats, à même de développer le système de justice, de conforter son rôle, d’accroître son efficacité.
Nous vous souhaitons la bienvenue au Royaume du Maroc et saluons la thématique que vous avez retenue pour la présente édition : «Justice et Investissement : défis et enjeux». Ce choix met en évidence la prise de conscience de l’importance que revêt désormais l’investissement, en tant que levier de développement. Il témoigne aussi du rôle crucial qui incombe à la justice pour impulser la croissance économique, en s’attachant notamment à renforcer l’Etat de droit, à garantir la sécurité juridique et judiciaire nécessaire à la réalisation du développement global.
Mesdames, Messieurs,
Pour améliorer le climat des affaires, Nous avons souligné, à maintes reprises, la nécessité d’établir une vision stratégique centrée sur la mise en place d’un environnement favorable à l’investissement, par l’adoption d’un système juridique moderne, cohérent, intégré dans lequel l’entreprise constitue un levier essentiel du développement socio-économique.
A cet effet, Nous avons donné Nos orientations pour que soit accélérée l’adoption de la nouvelle Charte de l’Investissement, et que soient restructurés les Centres régionaux d’Investissement. A cet égard, il convient de mettre fin aux contraintes que ces établissements rencontrent dans l’exercice de leurs mandat, en leur attribuant les prérogatives nécessaires au plein accomplissement de leur mission.
En outre, Nous avons insisté maintes fois sur la nécessité de simplifier les procédures d’investissement et d’améliorer les programmes d’accompagnement des entreprises, pour faciliter leur accès aux financements et former leurs ressources humaines à accroître la productivité.
Mesdames, Messieurs,
La justice est l’une des clés essentielles pour fortifier le climat des affaires, promouvoir la liberté d’entreprendre et protéger l’entreprise. Par conséquent, le système judiciaire est appelé à jouer le rôle fondamental qui est le sien en s’attachant à accompagner cette dynamique, à appréhender la nature des défis posés par la conjoncture économique mondiale, à cerner les spécificités de l’économie nationale.
C’est pour ces raisons que le Royaume du Maroc a adopté un arsenal juridique moderne et structurant afin de développer le monde de la finance et des affaires, d’encourager l’investissement et d’insuffler une dynamique vigoureuse au circuit économique, en soutenant les entreprises nationales, ainsi devenues les leviers du développement économique.
Nous nous référons plus particulièrement à d’importants textes adoptés récemment, comme la version remaniée du Code de commerce, les lois sur les sociétés, la loi sur les garanties mobilières. Il a été, également, question de consolider l’approche qui incite les magistrats à dépasser les limites de leur mandat traditionnel pour remplir des missions à visée économique et sociale. Ainsi, ils sont encouragés à garantir la sécurité et la paix sociale dans l’entreprise, en instaurant, en termes de droits, un équilibre objectif entre employeurs et salariés.
Grâce à cet ensemble de mesures, le Maroc s’affirme, davantage encore, comme un pays crédible et digne de confiance auprès des investisseurs étrangers et des différents acteurs économiques et financiers.
A cet égard, Nous tenons à souligner l’importance des arrêts de principe rendus par la Justice marocaine, notamment par la Cour de Cassation. L’action de cette dernière contribue, en effet, à apporter de la crédibilité, de la stabilité, de la souplesse aux décisions arbitrales étrangères, à renforcer la protection juridique des brevets d’invention et des droits d’auteur.
Dans le cadre de ces réformes législatives qui ont d’ores et déjà généré une dynamique porteuse d’efficacité, Nous engageons le gouvernement à accélérer l’approbation des derniers textes juridiques connexes, à élaborer les documents réglementaires se rapportant aux lois approuvées.
Mesdames, Messieurs,
Au-delà de l’actualisation des législations incitatives en vigueur, la mise en place d’un climat propice à l’investissement requiert des garanties juridiques et économiques susceptibles de renforcer la confiance dans le système judiciaire et d’assurer une sécurité totale aux investisseurs. En conséquence, aux niveaux national, régional et international, il est important de procéder à une uniformisation des normes et des procédures de règlement des litiges liés à l’investissement. Il est également primordial de dépasser les problématiques liées à la compétence des juridictions nationales, en mettant en place un système juridique adapté. Ce dispositif nouveau doit permettre de prévenir les problèmes éventuels et d’endiguer les contentieux, grâce à la création d’organes spécialisés dans la résolution de différends, selon des délais raisonnables. Il doit aussi être en mesure de prendre en considération les spécificités des litiges financiers et d’agir avec diligence, efficacité et souplesse.
A cet égard, dans Notre Discours prononcé en 2009, à l’occasion de la Révolution du Roi et du Peuple, Nous avions déjà souligné la nécessité de développer les modes judiciaires alternatifs, comme la médiation, l’arbitrage, la conciliation. De même, dans Notre Message adressé à la première édition de votre conférence, Nous avions, parmi d’autres orientations, appelé à une institutionnalisation des modes alternatifs de règlement des litiges.
En réponse aux demandes pressantes des investisseurs pour la simplification et l’accélération des procédures administratives et judiciaires, un projet de Code de l’arbitrage et de la médiation conventionnelle se trouve actuellement en attente d’approbation.
Le Royaume, grâce aux efforts déployés en ce sens, attire aujourd’hui de plus en plus d’investissements et progresse par conséquent dans le classement Doing Business 2019.
Nous formons le souhait que notre pays parvienne à améliorer sa position selon l’Indicateur du climat des affaires, et à intégrer les cinquante pays les mieux classés pour la qualité du climat des affaires qui les caractérise.
Mesdames, Messieurs,
Un quart de siècle s’est écoulé depuis que notre pays s’est doté de tribunaux de commerce. Le moment Nous paraît, donc, opportun d’évaluer cette expérience et de lui donner les moyens de se développer, en consolidant ses acquis et en lui ouvrant des perspectives nouvelles, inspirées des expériences les plus réussies dans le monde, comme celle des juridictions des affaires, que certains pays ont mises en place.
En appui à cette orientation, une attention particulière doit être accordée à la formation spécialisée des différentes composantes du système de justice. Le but est d’accroître la capacité des juridictions à rendre, dans des délais raisonnables, des sentences justes et appropriées. A cet égard, il convient de souligner le rôle des Cours Suprêmes dans l’harmonisation de la jurisprudence et l’interprétation de la règle de droit. Saisissons ici l’occasion pour saluer l’action de la Justice Commerciale marocaine, cette instance spécialisée qui compte à son actif d’importantes réalisations.
Dans le même esprit, pour assurer une meilleure diffusion de l’information juridique et judiciaire, Nous recommandons l’utilisation des nouvelles technologies. Nous préconisons aussi le renforcement et la généralisation de la dématérialisation des formalités et procédures juridiques et judiciaires ainsi que le recours aux services de justice à distance. A l’aide de ces outils efficients, le travail judiciaire gagnera en rapidité et en efficacité et sera mieux adapté aux exigences de traitement des éventuels contentieux dans le monde des affaires et de la finance. Tout en veillant à doter ces outils d’un fondement juridique, il convient d’impliquer les différentes composantes du système de justice dans le chantier de transition digitale.
Mesdames, Messieurs,
Pour mettre en place un environnement sûr pour l’investissement, fort de ses assises économique, sociale, administrative et institutionnelle et sensible à la dimension de promotion des droits de l’Homme, nous devons œuvrer davantage à consolider l’Etat de droit, à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, à favoriser les occurrences d’anticipation juridique, à donner aux acteurs de la justice une formation de qualité, à moderniser l’administration judiciaire et à renforcer sa gouvernance. Pour ce faire, il importe de mettre en œuvre une approche intégrée. D’une part, elle sera à même d’aborder les affaires liées à l’investissement sous tous les aspects associés aux législations commerciale et bancaire, fiscale et douanière, foncière, notariale et sociale; d’autre part, elle pourra prendre en considération la portée internationale et la composante technologique de la mondialisation des échanges commerciaux, financiers et économiques.
Etant donné la stature éminente des participants à cette conférence qui réunit des ministres, des magistrats, des juristes, des économistes, des personnalités des mondes politique, économique et financier ainsi que des experts et des académiciens, Nous sommes persuadé que cette rencontre constituera une bonne opportunité pour débattre sur les bonnes pratiques, proposer des solutions innovantes et réalistes, mettre au point une approche élaborée. Elle pourra, ainsi, formuler des recommandations et des propositions qui contribueront à enrichir le monde des affaires et de l’investissement, en le dotant d’un contexte favorable et en renforçant son rôle. Les idées ainsi dégagées pourront inspirer tour à tour législateurs, décideurs, chercheurs, ainsi que toute personne sensible à ces questions.
Que Dieu guide vos pas et couronne vos travaux de succès.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi taala wabarakatouh ».
(avec MAP)