Les eurodéputés ont adopté, jeudi en séance plénière du Parlement européen à Strasbourg, une résolution invitant les institutions de l’Union européenne (UE) et les États membres à condamner ouvertement la répression exercée contre la liberté des médias en Algérie.
Cette résolution, approuvée à la majorité écrasante des voix (536 pour, 4 contre et 18 abstentions) et qui porte sur le cas du journaliste Ihsane El Kadi, condamné le 2 avril dernier à cinq ans de prison, appelle à la libération « immédiate et inconditionnelle » de ce journaliste et de toutes les personnes « détenues et inculpées arbitrairement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression ».
Le Parlement européen engage les autorités algériennes à mettre un terme aux arrestations et aux détentions d’activistes politiques, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de syndicalistes, tout en témoignant sa solidarité aux citoyens algériens qui manifestent pacifiquement depuis 2019.
L’institution législative de l’UE constate, à cet égard, que depuis les manifestations du Hirak qui ont eu lieu en 2019, “les pouvoirs publics algériens entravent considérablement la liberté des médias et la liberté d’expression”.
“Depuis 2019, au moins 11 autres journalistes et professionnels des médias ont été poursuivis et placés en détention”, relève-t-on, ajoutant que les autorités algériennes bloquent de plus en plus de sites d’information et de publications critiques vis-à-vis du gouvernement.
La résolution appelle ainsi les autorités algériennes à modifier les dispositions du code pénal algérien, notamment les articles 95 bis et 196 bis, “qui ont trait à la sécurité et qui sont utilisées pour criminaliser la liberté d’expression”, ainsi que d’aligner les lois restreignant la liberté d’expression sur les normes internationales en matière de droits de l’homme.
Les autorités algériennes sont ‘’appelées à respecter et à promouvoir les libertés fondamentales, et à autoriser de nouveau les médias qu’elles ont interdits’’.
Les eurodéputés demandent également aux institutions de l’Union et aux États membres d’exhorter les autorités algériennes à garantir l’octroi, sans retard injustifié, de visas et d’accréditations aux journalistes étrangers et de laisser ces derniers travailler librement.
De même, ils incitent les délégations de l’Union et les ambassades des États membres en Algérie à demander à avoir accès aux journalistes emprisonnés et à pouvoir observer leurs procès.
A cet égard, le Parlement européen note qu’Ihsane El-Kadi, éminent journaliste algérien à la tête d’Interface Médias, “l’une des dernières entreprises de médias indépendantes en Algérie” et éditrice des médias en ligne Radio M et Maghreb Emergent, a été arrêté sans mandat dans la nuit du 23 au 24 décembre 2022.
Devant le tribunal, El Kadi a été déclaré coupable, “au motif d’accusations infondées”, d’avoir reçu des fonds à des fins de propagande politique et de ‘’porter atteinte à la sûreté de l’État’’, souligne l’organe législatif européen.
L’Algérie avait essuyé, le 11 novembre dernier devant le Conseil des droits humains (CDH) à Genève, les critiques des Etats-Unis mais aussi du Royaume-Uni et de l’Allemagne lors de son examen périodique universel (EPU).
Alger s’est vu réclamer par la représentante américaine d’abroger les amendements de l’article 87 bis du Code pénal qui « contiennent une définition exagérément vaste du terrorisme » et de libérer « les journalistes, défenseurs des droits humains et ceux qui sont détenus en vertu de cette disposition ».
Le 29 mars 2023, à l’occasion de l’examen périodique universel de l’Algérie, les organisations de la société civile ont exprimé leur dépit à la suite du refus par le gouvernement algérien des recommandations relatives à la liberté d’expression, de réunion pacifique, d’association et aux détentions arbitraires.
Le journaliste Ihsane El Kadi, âgé de 63 ans, critique du pouvoir, a été condamné le 2 avril dernier à cinq ans de prison dont trois ferme, par le tribunal de Sidi M’Hamed à Alger. La date de son procès en appel est fixée au 21 mai courant, selon des membres du collectif de défense du journaliste.
L’agence « Interfaces Médias », pôle regroupant « Radio M » et le magazine « Maghreb émergent », a été fermée et mise sous scellés en décembre dernier, avant d’être dissoute.