La Royal Air Maroc (RAM) aurait-t-elle un mauvais gestionnaire qui l’aurait entraînée dans une grave crise financière, la plus âpre de toute son histoire ? Où bien le PDG Driss Benhima serait-t-il un malchanceux que la « poisse » poursuit là où il va ? Ce sont là plusieurs questions qui se discutent autour des tables biens garnies du mois sacré de Ramadan. Décideurs, journalistes et banquiers marocains cherchent à comprendre non les causes et les origines de la crise -elles sont grosso modo déjà connues- mais surtout les moyens envisagés pour faire sortir la RAM indemne de sa zone de forte turbulence. A en croire les rumeurs et les quelques informations qui filtrent, la RAM classée à la date d’aujourd’hui, deuxième compagnie en Afrique, traverserait une grave crise financière et serait exposée à la cessation de paiement si des mesures drastiques n’étaient pas entreprises. En cause : une triple dynamique. Tout d’abord, une gestion approximative de la compagnie mise à nue par la dernière vague de grèves inédites de son personnel navigant, résultante de reports systématiques de mesures nécessaires en termes de ressources humaines. Egalement en cause, la rude concurrence livrée à la RAM depuis l’ouverture précipitée du ciel marocain aux compagnies low cost et l’arrivée sur le hub du transporteur national à Casablanca d’Air Arabia, Jet4you, Easyjet ou encore Ryanair. Enfin, troisième raison, le fait que la RAM soit une compagnie nationale, qui se doit de « mouiller la chemise » sur certaines destinations dites « politiques » mais déficitaires, et d’assurer une mission de « service social » au lieu de ne considérer que la rentabilité comme indicateur. Depuis le début de 2011, cette situation n’a fait qu’empirer à la suite de l’attentat de Marrakech, la crise du tourisme alimentée par les révoltes arabes et surtout la hausse inattendue de 42 % du prix du kérosène. Mais, ces facteurs n’expliquent pas tout. Des raisons plus profondes, comme le contrôle étatique de la compagnie, les restructurations conflictuelles, les revendications salariales sont d’autres éléments qui rongent de l’intérieur la compagnie et amplifient davantage son marasme économique et financier. Déjà au mois de mars dernier Driss Benhima –auquel l’on ne peut reprocher d’exercer la langue de bois- annonçait devant la commission parlementaire des Finances, que des pertes conséquentes sont prévues pour sa compagnie pour l’exercice 2011.
La RAM devrait enregistrer une perte sèche de plus de 130 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires avoisinant les 950 millions. Pourtant la compagnie prévoyait dans ses projections 2011, établies sur la base d’un baril du brut à 85 dollars, un retour à l’équilibre, grâce à une croissance du trafic de 13 % et une hausse du chiffre d’affaires de 8 %. Cependant, l’or noir ayant frôlé les 115 dollars le baril au premier trimestre, ceci a induit pour la RAM, un surcoût de 79 millions d’euros.
Depuis le début de juin dernier, la compagnie perd quelque « 20 millions de dirhams par semaine » (près de 2 millions d’euros), et d’ici décembre 2011, le transporteur national ne serait plus, selon des spécialistes et syndicalistes peu optimistes, en mesure de payer les salaires de son personnel.
Le PDG de la RAM affirme qu’il s’agit là de « conclusions hâtives » que certains journaux locaux et des banquiers s’amusent à tirer, portant préjudice à l’avenir de l’entreprise. La direction se dit même « indignée » d’entendre ou de lire de tels propos et tient à nous rassurer que «la compagnie n’est pas au bord du dépôt de bilan et encore moins de sa fermeture».
Pour sortir de cette crise, la direction étudie plusieurs pistes, dont un plan social qui prévoit 1500 départs volontaires sur les 5000 postes que compte actuellement la compagnie et la suppression des lignes non rentables. Outre la privatisation ou la cession au privé d’une bonne part de son capital, la compagnie étudie sérieusement la réduction des coûts d’exploitation et une réelle amélioration de sa carte des liaisons à exploiter.
L’Etat, dont le trésor public est déjà essoufflé par le coût du dialogue social, pourrait recourir- selon certaines rumeurs-à la recapitalisation de la RAM grâce aux fonds de la CDG (Caisse de Dépôt et de Gestion), en prélude à une redistribution de son capital, entre employés et tour-opérateurs et une compagnie aérienne arabe ou européenne.
Pour se consoler, la direction de la RAM prétend qu’elle est la mieux lotie parmi les cinq compagnies aériennes du Maghreb, dans un ciel ouvert à tous vents et surtout aux vents du printemps arabe.