La traque des mauvais élèves par la Cour des Comptes a-t-elle des limites ?

La Cour des comptes fait de nouveau parler d’elle. Dans son rapport 2010 établi sur la base de 120 missions de contrôle réalisées par ses magistrats au niveau des services de l’Etat, des entreprises et établissements publics et des collectivités territoriales, la Cour épingle un bon nombre de cas de violations de la loi. Incurie dans la gestion financière ou opacité dans les passations de marchés, tout y passe. Cependant, mis à part l’effet d’annonce, ces rapports ont-ils réellement un quelconque impact durable et dissuasif ?, sachant qu’à présent la balle est dans le camp de la justice.
Il est vrai que la Cour des comptes constitue en elle-même un acquis incontestable. Ses rapports représentent à coup sûr, un moyen de pression certain sur les responsables des établissements publics. Une épée de Damoclès destinée à refréner les tendances excessives et les dérives et abus de certains responsables indélicats. De même que les investigations de la Cour offrent à l’exécutif des indicateurs qui permettent à ce dernier de mesurer l’efficacité de la gestion des entreprises publiques. Mais, peut-on parler d’efficacité alors que l’impunité a été longtemps monnaie courante dans les arcanes du pouvoir. Le ministre de la justice et des libertés, Mustapha Ramid, dont le département est directement impliqué dans le traitement de ces dossiers, nous promet à travers ses sorties médiatiques, que les cas dénoncés par la Cour des comptes seront traités dans un délai n’excédant pas les six mois, le temps, dit-il, de les passer au crible fin pour éviter toute injustice.
En attendant le rapport de la cour des comptes publié fin mars, pointe du doigt plusieurs établissements publics de notoriété tels la Royal Air Maroc, la CNSS ou encore l’ONEP. Même les excès et abus à l’hôpital Avicenne de Rabat n’ont pas échappé au regard vigilant des magistrats de la Cour des Comptes. Le texte est tombé comme un coup de massue sur 360 responsables et hauts cadres de ces établissements stratégiques. Alors que des centaines de dossiers ont été soumis à la justice depuis 2010, cette année, 13 gros dossiers ont été remis au ministre de la Justice, Mustapha Ramid, pour étude. Ce dernier, en sa qualité de chef du parquet, est qualifié pour savoir si ces dossiers doivent être classés où s’il faut demander au procureur du roi ou aux procureurs généraux de diligenter une enquête. En cas de graves infractions criminelles comme les détournements des fonds publics, les responsables mis en cause risquent d’être condamnés à de lourdes peines carcérales lorsque les faits sont avérés. Reste à savoir si la justice est prête à suivre la Cour des Comptes dans sa traque contre les mauvais élèves.