Le ton ne cesse de monter ces derniers jours, entre le patron du département de l’Intérieur et les leaders du Parti de la Justice et du Développement (PJD–opposition islamiste).A l’approche des élections législatives anticipées prévues pour le 25 novembre, les Islamistes donnent l’impression de faire un front unique en voulant jouer seuls contre tous. Ils accusent le gouvernement, à travers son ministre de l’intérieur, ses walis et gouverneurs, de vouloir favoriser en particulier leur ennemi Numéro « Un », le Parti Authenticité et Modernité (PAM) de Fouad Ali El Himma. Dans plusieurs sorties médiatiques, les dirigeants Pjdistes mettent en doute de manière anticipée, la neutralité de l’administration qui pourrait selon eux, tronquer les résultats des prochaines élections et favoriser le recours à l’argent sale pour l’achat des voix. Dans sa réplique, le gouvernement n’a pas hésité lui aussi, par la voix de son porte-parole Khalid Naciri, d’accuser vertement mais sans les nommer, des « parties et des personnes » de « propager des thèses irresponsables » qui mettent en doute la transparence du prochain scrutin. Une accusation cautionnée par un diplomate européen basé à Rabat, qui a émis des doutes quand à la sincérité des déclarations et des écrits des leaders islamistes.
« En clair, estime le diplomate européen, le PJD fait savoir à l’avance qu’un scrutin qui ne le proclamerait pas vainqueur, serait ipso facto truqué ». Et le même diplomate de qualifier d’«inquiétante», l’attitude des islamistes qui n’ont pas encore, a-t-il dit, adhéré à « toute les règles de la démocratie ».Vendredi dernier, une nouvelle prise de bec a éclaté entre le ministre de l’Intérieur, Taieb Cherkaoui et le Secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane. Lorsque le premier en parlant du projet de la loi organique de la Chambre des représentants, est revenu sur la remise en cause de la transparence des prochaines élections, Benkirane a été pris de rage et s’est lancé dans une diatribe acerbe à l’encontre du gouvernement pour son communiqué sur la transparence des élections. Heureusement les dirigeants des autres partis politiques présents à la réunion, ont réussi à calmer les esprits, pour que reprennent les discussions des points encore en suspens concernant le projet de loi organique, le seuil, le mécanisme de la liste nationale et le découpage électoral. Se sentant seul contre tous, le PJD qui souffle le froid et le chaud, a fini par faire des concessions sur une partie de ses revendications, en acceptant notamment le seuil fixé à 3 % à l’échelle nationale et à 6 % à l’échelle locale.De son côté, le secrétaire général-adjoint du PJD, Lahcen Daoudi, avait qualifié de « décevant » le projet de loi organique, présenté dans sa deuxième mouture, par l’Intérieur. « C’est pire que la loi de 2007. L’intérieur est vraiment hors du temps», affirme-t-il dans un article de presse. Pour Daoudi «On fait juste semblant de consulter les partis politiques. Il n’y a aucune avancée dans cette loi par rapport à 2007. C’est un projet de loi qui est de nature à favoriser la balkanisation de la vie politique et l’usage massif de l’argent sale lors des élections». Par ces accents virulents, les leaders islamistes sont entrés de plain-pied dans leur campagne électorale en cherchant à s’imposer sur l’échiquier politique, tout en tentant de faire la différence avec leurs autres adversaires dans le camp de l’opposition, quitte à recourir à des « préjugés » et à des accusations « anticipées et non fondées ». Ainsi, chacun a son «argent sale».