Maroc Espagne: El Pais a pris trop de pastis ?

Curieuse cabale que celle menée par le journal espagnol El Pais depuis plusieurs mois à l’encontre du Maroc. Dernier épisode en date, le quotidien hispanophone  se fend d’un long article dans lequel il affirme que le roi du Maroc, Mohammed VI, aurait embauché un « bataillon d’ouvriers philippins »  pour rénover sa résidence, important même « du riz spécial de philippine pour les nourrir ». Investigation ? Journalisme de terrain ? En réalité El Pais et le journaliste responsable du Maghreb, Ignacio Cembrero -sans lequel rien de tout ce qui touche au Maroc ne se publie- n’ont  fait que reproduire hâtivement un article publié quelques jours auparavant par le blog  Lakome (fr.lakome.com ) , animé par le journaliste marocain Ali Anouzla. Qu’est ce qui a bien pu pousser un journal « sérieux » comme El Pais à reproduire un article issu d’un blog marocain, et ce sans même le citer ou sans tenter de recouper ses sources ? Selon plusieurs spécialistes de la question, Cembrero, qui a été l’un des (très) rares journalistes à avoir eu l’opportunité d’interviewer Mohammed VI, se sentirait quelque peu « délaissé » par ses réseaux marocains, et se plaint à qui veut l’entendre du manque d’accès à l’information dont il serait victime. Il aurait donc voulu faire « un coup » afin de signifier que sa capacité de nuisance est intacte. L’article, paru très curieusement sous la rubrique « TV y Gente » (TV & People)  n’est pas signé, illustrant tout le courage de son auteur présumé. Ce dernier ne cache d’ailleurs pas ses motivations profondes , car  Ignacio Cembrero estimait il ya peu lors d’un colloque qu’il est « normal que l’on imprime des inexactitudes à l’endroit du Maroc, car nous (les journalistes espagnols) n’avons qu’un accès limité à l’information ». En fait, là où le Maroc est souvent prompt à dénoncer un  « complot espagnol », il faudrait d’abord voir, selon M. Cembrero, une « querelle d’amoureux éconduit », car  les réseaux au cœur du pouvoir marocain , las de s’être faits rouler dans la farine par le journaliste espagnol, ne souhaitent tout simplement  plus lui adresser la parole.

En effet, la relation de confiance entre journalistes et hommes de pouvoir se mérite, notamment à travers la capacité des hommes de presse à savoir garder l’information dite « off », et à ne pas reproduire des rumeurs non recoupées, combien même ceci serait tentant afin de vendre du papier. Concernant les rumeurs sur la résidence royale, l’on voit bien le curieux chemin emprunté par cette légende urbaine qui est probablement née sur les hauteurs d’une université américaine avant d’arriver chez Ali Anouzla, dont le peu de cas de la vérité journalistique est désormais proverbial. Cependant, à l’aube d’élections cruciales pour le Maroc et l’Espagne, nous sommes tout de même en droit de demander au journal espagnol El Pais, qui a habitué son lectorat à mieux, de s’abstenir de reproduire des informations erronées, surtout lorsque celles-ci touchent un chef d’Etat étranger d’un pays voisin et –théoriquement- ami. Que dirait M. Cembrero si le Maroc insistait sur ses accointances avec les services de renseignement algériens, ces dernier s’étant même permis de lui pirater son ordinateur  , sans que M. Cembrero ne juge utile de s’en offusquer ? De là à imaginer un complot contre le Maroc, il n’y aurait qu’un pas que l’on se doit de refuser de franchir, au nom d’une certaine conception de la déontologie journalistique…

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