A la veille des législatives au Maroc, un bruit discordant occupe, de manière prématurée, les manchettes de certains titres de presse. Une « marée verte » incarnée par la formation politique du Parti de la Justice et de Développement (PJD) déferlerait sur le pays emportant tout sur son passage, réduisant à la portion congrue les autres partis politiques. Cette clameur se nourrit également des cris d’effroi de certains caciques du PJD qui crient au complot, stigmatisent « prévaricateurs » et autres abus de toutes sortes, ainsi que « la fraude massive » qui adviendrait si, d’aventure, les islamistes n’arrivaient pas premiers de cet important rendez-vous électoral.Par un singulier effet de mimétisme, certaines plumes s’inspirent du cas tunisien dont la proximité dans le temps et dans l’espace offre un raccourci reposant. Or, en Tunisie, le scrutin qui s’est soldé par une victoire d’Ennahda constitue un réel précédent, dans un pays où seuls Ben Ali et sa création, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), pouvaient donner de la voix. En matière de consultations électorales, le voisin marocain n’en est pas à son coup d’essai, loin s’en faut.Car ce serait aller trop vite en besogne que d’évoquer un hypothétique « raz-de-marée islamiste » pour un parti ayant connu ses pics électoraux autour de 13 %, pour un examen où la plupart des autres formations (Istiqlal, Parti de l’authenticité et de la modernité, Rassemblement national des indépendants, Mouvement populaire) sont présentement au coude à coude, dans un vrai mouchoir de poche.Un tel focus porte le risque d’occulter la singularité d’un scrutin qui intervient au lendemain du vote en faveur d’une nouvelle constitution dont les points d’orgue furent de consacrer la diversité de l’identité marocaine plurielle puisqu’elle intègre, entre autres, amazighité, judéité, africanité et une part méditerranéenne d’une part, et de couper court avec certains survivances du passé et de consacrer la probité et la transparence comme modes de gouvernance exclusifs, d’autre part.Au moment où le printemps arabe charrie des relents de peurs enfouies, que le dossier libyen peine à se décanter, au moment où une foule en colère réoccupe la Place Tahrir en Egypte, l’exception marocaine est à méditer. Loin des fausses clameurs de tout bruit discordant, les élections du 25 novembre 2011 doivent bénéficier, de toute la sérénité requise. Afin d’administrer la preuve qu’au lieu de passer par une « transition démocratique », le Maroc est entré de plain-pied dans l’arène des nations démocratiques, à l’instar d’autres pays du pourtour méditerranéen auxquels le lie une histoire millénaire, telle l’Espagne et l’Italie.