Abdelilah Benkirane devrait être un homme heureux. Son acharnement pour la formation d’un gouvernement de coalition est enfin récompensé. Pourtant, les choses sont loin d’être aussi simples pour le nouveau chef du gouvernement. Au moment où il voit enfin sa coalition quadripartite prendre forme, il doit déchanter face aux appétences de ses alliés du moment. Car, la bataille pour les portefeuilles ministériels ne fait que commencer et s’annonce sans merci.
Deuxième force politique du pays après le PJD, le parti de l’Istiqlal avec 60 sièges, monnaie sa participation au prix fort. Calculettes à la main, les vieux routiers de l’Istiqlal exigeraient au moins la moitié des postes ministériels qui iraient au parti islamiste. Il faut reconnaître que le vieux parti de l’Istiqlal est en mesure d’aligner des pointures reconnues pour leur compétence et leur expérience. Les choses sont moins évidentes pour le Mouvement Populaire (MP), qui apporte une modeste dot de 32 sièges. Mais les héritiers d’Aherdane savent pertinemment qu’ils sont une force d’appoint indispensable pour le gouvernement Benkirane, et veulent en tirer le meilleur parti. Enfin, le PPS, troisième compère de l’équipe Benkirane avec 18 sièges, étonne. Nombreux dans les rangs de la gauche sont ceux qui voient sa participation au cabinet Benkirane comme un cheveu sur la soupe. En faisant le choix de rejoindre un gouvernement franchement conservateur, les anciens communistes laissent planer des doutes sur leur référentiel doctrinal et politique. De surcroît, leur surprenant choix affaiblit sérieusement le camp de la gauche, représenté par l’USFP qui a opté pour l’opposition. Néanmoins, certaines voix estiment que le ralliement des amis de Nabil Benabdellah au gouvernement PJD peut, paradoxalement, avoir de bons côtés. Notamment, celui de contribuer à réfréner les éventuels élans liberticides de certains faucons islamistes du gouvernement. Mais les ex-communistes en auront-ils les moyens ?
Ainsi, en alignant les chiffres des uns et les caprices des autres, on arrive à un probable gouvernement de 30 portefeuilles, voire plus. Un chiffre qui traduit l’échec de l’option des islamistes du PJD de former un gouvernement ramassé de 15 membres. Ce serait une véritable douche froide pour les amis de Benkirane, qui avaient fait de l’optimisation de l’action gouvernementale leur cheval de bataille, fustigeant l’inflation des postes ministériels et la multiplication artificielle des portefeuilles de complaisance.