Le chef du gouvernement n’en revient pas de l’ampleur de la manifestation syndicale de dimanche à Rabat. Enivré par des sondages rassurants sur sa popularité personnelle, Abdelilah Benkirane ne s’attendait pas à une telle démonstration de force contre la politique de son gouvernement.
Surtout que l’imposante marche qui a drainé plusieurs dizaines de milliers de manifestants, a été organisée à l’appel de la CDT et de la FDT, deux de principales centrales syndicales du pays, auxquelles se sont joints plusieurs figures de l’opposition. Surtout aussi que la manifestation intervient au moment où la colère gronde à l’intérieur même de la majorité menée par les islamistes. Lors de la dernière réunion des chefs de la coalition gouvernementale, l’Istiqlal s’est vivement opposé à toute nouvelle hausse des prix. C’est dire que les projets de Benkirane pour réformer, même partiellement, la caisse de Compensation, ne font pas consensus à l’intérieur de la majorité. Une réforme devenue pourtant inévitable pour faire face à l’inquiétante détérioration des indicateurs économiques et financiers du pays. Réuni samedi, le comité central de l’Istiqlal s’est clairement opposé à toute nouvelle mesure d’austérité qui accablerait davantage les citoyens et rendrait le gouvernement plus impopulaire encore.
De fait, 15 mois après son arrivée aux affaires, Abdelilah Benkirane et son cabinet mi-islamiste peinent à convaincre. Pire encore, la seule mesure économique concrète décrétée jusqu’à présent, à savoir l’augmentation des prix de l’essence et du gazole, a eu un effet impopulaire évident. Le reste tient soit à l’effet d’annonce soit aux déclarations de bonnes intentions. On est loin des promesses électorales du PJD de porter le salaire minimum à 3000 DH. Plus loin encore l’objectif d’atteindre une croissance de 7%. A la place, le pays doit faire face à un marasme économique aggravé par un chômage persistant, la hausse effrénée des prix, le déficit des services publics…
La marche syndicale de dimanche a sonné l’alarme d’un mécontentement social difficilement contenu. La balle est aujourd’hui dans le camp du chef du gouvernement.