Les chiffres sur les avortements clandestins dans le royaume sont inquiétants. Quelque 800 à 1000 cas selon des estimations qui restent approximatives, même si les problèmes nés des interruptions de grossesse sont eux, bien réels.
Les débats qui ont eu lieu mercredi à Rabat à l’occasion d’une rencontre nationale sur cette question, l’ont clairement montré.
Dans un pays où l’avortement est puni de prison, le phénomène des interruptions secrètes prend des proportions alarmantes.
Ces interruptions de grossesse clandestines sont souvent aggravées par le recours à des pratiques d’un autre âge, à l’utilisation de matériel non stérilisé, de plantes et produits qui s’avèrent parfois toxiques, voire fatals.
Le recours à l’avortement clandestin est le plus souvent motivé par des considérations sociales et morales. Craignant le déshonneur familial et l’opprobre social, les jeunes filles enceintes hors des liens du mariage n’ont généralement pas d’autre choix que l’interruption de grossesse. Et comme le Code pénal est clair sur l’avortement, il ne reste plus que les réseaux parallèles des guérisseuses et autres charlatans.
Le ministre de la Santé n’a pas hésité à qualifier la législation marocaine sur cette question de « dépassée ». Houcine El Ouardi a fait savoir que le ministère est en train de préparer un plan visant à ouvrir les portes de la santé publique aux femmes victimes de complications lors des avortements clandestins, sans crainte de poursuites en justice.
Le ministre a également parlé du projet de révision du cadre légal et réglementaire de l’avortement médical au Maroc, de manière à l’adapter aux défis actuels. Tout ceci, dans le respect des valeurs religieuses, éthiques et culturelles du Maroc et en conformité avec les droits humains universellement reconnus.
Houcine Louardi n’est pas le seul à appeler à une révision de la législation. De nombreuses voix sont également favorables à une légalisation contrôlée de l’avortement dans des cas précis de grossesses non souhaitées, de malformations du fœtus, des viols, des grossesses provoquées suite à des rapports incestueux.
Il reste tout de même des adversaires inflexibles de la légalisation de l’avortement parmi les milieux conservateurs, certains hommes de religion, etc. Pour sa part, la célèbre présidente de l’association Solidarité Féminine Aicha Ech-Chenna, est plutôt en faveur du respect de la volonté de la mère « si elle veut subir un avortement ou non ».
Mais le point lumineux dans toutes ces histoires sombres, c’est que l’avortement clandestin n’est plus un tabou. Responsables, praticiens de la santé, société civile, oulémas, tous se mettent désormais à table pour en parler et trouver des points de convergence et des solutions appropriées.