A la veille des législatives marocaines du 25 novembre 2011, une idée s’est insidieusement glissée dans le débat, celle d’une forme de chantage auquel se livre la formation islamiste du Parti de la Justice et de Développement (PJD). Les propos de son secrétaire général Abdelilah Benkirane ainsi que les éditoriaux du quotidien Attajdid tentent de faire accroire que, si d’aventure les islamistes n’arrivaient pas en tête de ce scrutin qui engage le devenir de tout un pays, c’est tout simplement parce que les autorités politiques se seraient rendues coupables d’une opération de fraude massive. La réaction de la formation islamiste ne se fera pas alors attendre…gare à nous !
Ce chantage à la « gagne » n’est pas sans rappeler, bien qu’à un degré moindre, le patriotisme à géométrie variable de ces personnes qui, une fois privées d’un privilège, exclues d’un poste de responsabilité, d’un service ou d’un programme retournent rapidement leur veste pour aussitôt adopter une posture d’hostilité. Un célèbre homme d’affaires qui n’a pu tirer avantage d’un appel d’offres, un autre guetté par un contrôle fiscal et les voilà qui chantent les louanges du Mouvement du 20 février ; une chroniqueuse de la RadioTélévision marocaine éjectée de son émission, et hop, elle devient, comme par magie, une inconditionnelle du même Mouvement, au profit duquel elle enregistre même un message de soutien. A un moment, la vigueur et la spontanéité de cette vague rafraîchissante a certes permis d’enrichir le débat d’idées au Maroc, mais il a tôt fait les frais du nihilisme des adeptes du boycott : trublions intégristes de JAOI et anciens marxistes d’Annahj Addimocrati pour une fois unis dans un même combat.
Chez Khadija Ryadi de l’AMDH, le chantage prend une tournure inédite. Au slogan « tous pourris » se superpose celui plus « percutant » des lendemains qui déchantent, et qui puise dans le registre des hantises mal contrôlées et des peurs enfouies : « le changement a commencé, il sera dur » nous assène la militante des droits de l’homme; si l’Etat a recours à la violence contre le Mouvement du 20 février, c’est parce qu’il « a peur qu’il y ait un taux d’abstention élevé » ; autrement dit, il persiste à « tabasser » afin de garder ce même taux à des niveaux « raisonnables »…