Les propos incendiaires du controversé imam Abdellah Nhari, qui a abusé de son statut pour appeler au meurtre d’un journaliste, ont provoqué un tollé. Et, surtout, une enquête judiciaire et un torrent salutaire de réactions d’indignation.
Le fait que l’indélicat prêcheur ait été promptement et longuement interrogé par la police judiciaire, est rassurant. Surtout que le dossier est encore ouvert. Le fait aussi que journalistes, éditeurs de journaux et responsables politiques aient exprimé leur consternation, est réconfortant. Une réaction aussi rapide est un signe révélateur de la bonne santé du corps social devant le danger qui pointe. Car, on est effectivement en présence d’un danger qui plus est, sans précédent au Maroc. Si par le passé, quelques prêcheurs surexcités ont prôné, en cercle fermé, la violence contre de supposés mécréants, puis ont été conséquemment condamnés par la justice, l’impair du prédicateur Abdellah Nhari change totalement de registre. Son brûlot contre un journaliste prétendument libertaire a été enregistré en vidéo et dûment posté sur le web. Alors que Mokhtar Laghzioui, le rédacteur en chef du quotidien Al Ahdath Al Maghribia, déclarait posément sa préférence pour la liberté sexuelle entre adultes consentants, y compris pour sa propre sœur ou sa fille, le frénétique prêcheur n’a pas résisté à la mode des « fatwa ». Nhari s’est ainsi fendu d’un « avis » qui, en matière religieuse, a valeur de commandement, en incitant explicitement à l’assassinat du supposé dévoyé. Les grands prêcheurs et érudits en fiqh et en droit musulman sont légion au Maroc. Pourtant, c’est un quelconque sermonneur qui a tenu à franchir le pas qu’aucun autre imam ou prêcheur n’a franchi avant lui.
Il y a donc péril en la demeure lorsque de prétendus imam ou moralisateurs se mettent en tête de réglementer la liberté d’expression et les comportements des gens. Ceci, non pas par la persuasion ou l’argumentaire, mais par l’incitation à la violence et au meurtre. Or, l’incitation au meurtre est punie par la loi et, dans le cas d’Abdellah Nhari, la justice doit suivre son cours et s’appliquer avec rigueur.