Si l’éclatement des révolutions arabes a témoigné de l’incapacité des experts à prophétiser le comportement de la rue arabe, les spéculations déterministes quant à une victoire écrasante du Parti de la Justice et du Développement (PJD) dans les élections du législatives marocaines devant se tenir ce vendredi montrent leurs limites à plus d’un titre. A l’origine de ce postulat, l’on retrouve en effet un raisonnement par analogie puisant sa texture dans l’expérience tunisienne où le Parti Ennahda est sorti grand vainqueur. Deux observations, à la lumière de l’expérience d’Ennahda, démontrent en effet que le PJD a ses victoires mais qu’il a aussi ses déboires. Ce constat permet de pencher pour une certaine incertitude quant à l’issue des élections du 25 novembre.
En Tunisie, le Parti Ennahda a bénéficié de l’avantage de son exclusion par le régime de Ben Ali. A son actif, un « capital revendicatif » longtemps dirigé contre un régime dont les dérives autoritaires et répressives n’avaient d’égales que l’inexistence de réactivité stratégique et d’initiatives d’ouverture. De ce fait, le Parti n’a eu aucune expérience de gouvernance permettant de juger ou de jauger sa capacité de concrétiser les attentes. Cela explique en partie pourquoi il a gagner la confiance de la population tunisienne en tant qu’alternative crédible. Au Maroc, la donne est différente. Contrairement à une idée répandue, le PJD est un parti qui est bien implanté dans le paysage politique et qui est loin de monopoliser l’opposition. Le PJD a non seulement participé aux élections antérieures, mais s’est également investi dans plusieurs expériences de gouvernance au plan local. Pour ne pas nous appuyer sur le cas de d’Abubakr Belkora, qui demeure contestable selon le PJD, il est au moins possible d’affirmer aujourd’hui que nous ne disposons d’aucun critère d’évaluation de la performance du PJD au plan local. Par extension, il existe un élément de surprise se rapportant au potentiel de ce parti, comme il est le cas pour beaucoup d’autres favoris, de remporter la victoire absolue dans les élections législatives du 25 novembre.Un autre critère d’importance égale se rapporte à la question amazigh. La démographie de la Tunisie se caractérise d’abord par l’uniformité de la population en matière de composantes culturelles et religieuses et ensuite par le fait que la question amazigh n’a pas été politisée et ne représente pas un important foyer de mobilisation. Contrairement à la Tunisie, le militantisme amazigh est une poche de mobilisation déterminante dans le paysage politique marocain. Si la Constitution de 1er juillet a consacré l’amazigh comme une langue nationale, il est nécessaire de garder à l’esprit que le PJD a pris une position assez particulière vis-à-vis de cet aspect de la réforme. Durant le débat précédant le vote de la nouvelle constitution, Abdelilah Benkirane, Secrétaire Général du PJD s’est opposé à l’intégration de la l’amazigh en tant que langue nationale dans le nouveau texte. Cette posture a été jugée hostile par les associations et les jeunes amazigh. Rappelons nous que la région de Souss, s’est révoltée contre les déclarations de Bekirane. Les manifestants de la région, dans le cadre du Mouvement du 20 Février du 06 août 2011, avaient scandé des slogans hostiles au parti. Une page Facebook a été crée pour revendiquer la dissolution du PJD. Ahmed Arehmouche, un militant du Mouvement Amazigh et Président du Réseau Amazigh pour la Citoyenneté (RAC) a même déclaré vouloir porter plainte au mois de septembre pour dissoudre le PJD. Pour pousser l’analyse plus loin, il est possible de soutenir que l’éventuelle alliance du PJD avec l’Istiqlal serait également un facteur pesant sur sa popularité dans les milieux amazigh, si l’on prend en considération la perception de l’Istqlal comme le parti marocain ‘arabisateur’.
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