Elections marocaines : des partis et des hommes

Les piques d’Abdelilah Benkirane, le chef de file islamiste du PJD contre son adversaire libéral du RNI, Salaheddine Mezouar, se multiplient. A mesure que la date des législatives anticipées du 25 novembre se rapproche, les invectives deviennent méchantes, voire blessantes. Sont-elles le signe avant-coureur d’une rivalité électorale au finish entre les deux formations ? Possible, même s’il est très hasardeux de faire des pronostics face à un électorat éclaté, doublé d’une propension à l’abstention, elle-même nourrie par l’impéritie chronique du personnel politique. La tonalité acerbe de Benkirane contre Mezouar est en tout cas le signe d’une lutte sans merci qui s’annonce entre les deux formations. Le turbulent chef islamiste sait que le RNI ne sera pas un adversaire facile. Adossé à une coalition de huit partis, qui compte dans ses rangs le PAM de Fouad Ali El Himma, le RNI tentera de jouer toutes ses cartes et défendra crânement ses chances. Contrairement au PJD, faiblement implanté dans les campagnes, le parti de Mezouar peut compter sur ses  relais traditionnels dans l’arrière-pays et sur des baronnies locales enracinées. S’il arrive premier le 25 novembre, le RNI n’aura ainsi  pas de grandes difficultés à former un gouvernement. Son patron, Salaheddine Mezouar, le ministre des finances dans le gouvernement sortant, dispose d’une incontestable expérience après avoir piloté l’industrie et le commerce. En face, Abdelilah Benkirane , un brin prétentieux, ne cache pas les ambitions gouvernementales de son parti. Benkirane a commencé par rassurer à gauche et à droite, il a rencontré les opérateurs économiques et des associations féminines et a tenu à mettre en avant  le côté « fréquentable » du PJD. Enfin, le PJD bénéficie d’un contexte régional favorable aux partis islamistes.

Le Printemps arabe est passé par là et certains semblent penser que les marocains voudront s’essayer à la solution islamiste, comme en Tunisie. Mais à la grande différence de la Tunisie où le parti islamiste Ennahda a été systématiquement réprimé sous le régime Ben Ali et ses dirigeants jetés en prison ou forcés à l’exil, le PJD est loin de cette configuration.

Il a été très tôt associé à la gestion de la chose publique et représente actuellement la première force d’opposition dans le parlement sortant. Saura-t-il opérer une bonne transition en cas de victoire le 25 novembre ? Vu l’atomisation du champ politique et l’inconnue de la participation, il sera forcément amené à rechercher d’incontournables alliances au sein des autres partis en présence.Ces derniers, qui ne semblent considérer l’option de s’allier avec le PJD que s’ils se bouchaient le nez avec une pince à linge, craignent de n’être  emportés par la spirale populiste des islamistes, et sont surtout sceptique quant à la faisabilité d’un programme économique que plusieurs économistes ont jugé peu »crédible ». Il faut dire que sur ce terrain, le RNI, taxé souvent de parti de la bourgeoisie dispose incontestablement de plus de savoir-faire, et serait probablement plus à même de piloter une politique économique avantageuse pur le royaume.