Le testament maghrébin d’Ahmed Ben Bella

« Que le Maghreb se réunisse enfin », auraient pu être les derniers mots de Ahmed Ben Bella, l’un des  pères  de l’indépendance algérienne, qui vient de décéder à Alger à l’âge canonique de 95 printemps. Inconsolable depuis la perte de son épouse adorée, Zohra Sellami, décédé il y a deux ans, Ben Bella vivait en retrait de la vie publique algérienne depuis plusieurs décennies. L’histoire retiendra surtout de Ben Bella qu’il fut le premier Président de l’Algérie indépendante, et qu’il fut un membre emblématique du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA), aux côtés de Hocine Aït Ahmed ou du président  assassiné Mohammed Boudiaf. Intransigeant, ombrageux, autoritaire, mais passionné, Ahmed Ben Bella a indubitablement marqué l’histoire de l’Algérie contemporaine, et occupait une place à part dans le cœur  de ses compatriotes. Ces dernières années, le Président Abdelaziz Bouteflika avait multiplié les marques de déférence à l’égard du « grand frère » Ben Bella, allant même jusqu’à accueillir très officiellement la dépouille de Zohra Sellami à l’aéroport d’Alger.  Il faut dire que Ben Bella a marqué la génération qui a lutté pour l’indépendance de l’Algérie, notamment depuis le jour où il eu le courage d’affronter publiquement le GPRA au congrès de Tripoli de 1962. Lors de ce dernier, Ben Bella  réussit à écarter Krim Belkacem et Mohammed Boudiaf, prenant ainsi le leadership qui lui ouvre la Présidence du conseil qui doit le conduire au sommet de l’Etat. Renversé par le colonel Houari Boumediene en 1965, Ben Bella sera emprisonné jusqu’à la fin des années 70, puis s’exile en Suisse, avant de revenir en Algérie en 1990. Ses dernières fonctions publiques, quoique honorifiques, à la tête d’un comité de Sages de l’Union Africaine, avaient poussé Ben Bella à effectuer plusieurs plaidoyers en faveur d’une meilleure intégration régionale du Maghreb.

Ben Bella venait à ce titre souvent au Maroc, et plus précisément à l’hôtel Royal Mansour de Casablanca, où il avait ses habitudes depuis de longues années. L’homme affectionnait aussi de se rendre en villégiature à Marrakech, où il effectuait de longues balades dans la vieille ville. « Elle me rappelle la kasbah d’Alger » aimait il à dire aux interlocuteurs qui le croisaient dans la ville ocre. Espérons que ses prières de voir un Maghreb uni et solidaire se réalisent un jour. « Inna Lillah oua inna ilayhi raajioune ».