C’est un énorme gaspillage de potentiel de développement : les citoyens affectés par les inégalités salariales n’ont pas la possibilité de donner le meilleur d’eux-mêmes au travail, ce qui porte préjudice indirectement à la croissance du pays.
Réduire les inégalités de salaire. C’est en substance l’idée majeure du dernier rapport de la CNUCED présenté à Rabat le 12 septembre dernier. Baptisé « Politiques pour une croissance équitable et équilibrée », le rapport onusien pointe du doigt les inégalités de revenus. Qualifiés de véritables obstacles entravant la croissance, ces inégalités concrétisent la tendance baissière de la croissance mondiale. Tendance dûe, sans surprise, d’abord à la crise, malgré les mesures déployées par les Etats pour en limiter les dégâts. Chiffres à l’appui, la croissance mondiale est passée de 4,1 % en 2010 à 2,7% en 2011. L’organisme onusien prévoit une poursuite de cette tendance et annonce un taux de croissance global de 2,5 % pour cette année. Cela est dû, selon le même rapport, à la concentration des revenus entre les mains d’une frange de la société combinée au chômage d’une large population qui font baisser la demande et le pouvoir d’achat. Et affectent, de la sorte, la croissance et l’emploi. Par ailleurs, ces inégalités réduisent la demande globale, privent une large composante de la société de l’accès à l’éducation, aux soins et au crédit. Un énorme gaspillage de potentiel de développement. Ainsi, les discriminations empêchent d’abord les nations de tirer le meilleur parti de chacun de leurs citoyens.
Les inégalités engendreront par ailleurs le désengagement du système éducatif devenu défectueux et de mauvaises conditions de cohabitation entre les individus qui composent les sociétés.
Ledit rapport conclut que l’aggravation des inégalités n’est ni une condition nécessaire à une croissance économique saine ni son résultat naturel. Un constat qui prend à contre-pied certains économistes qui plaident pour une concentration des revenus entre les mains d’une minorité, afin de générer l’épargne, de faire tourner la machine des investissements et de perpétuer par là-même les inégalités sociales. Le Prix Nobel d’économie en 2001, Joseph Stiglitz, l’avait déjà évoqué : plus un pays est inégalitaire, moins il est efficace. Dans une chronique publiée récemment en ligne , il affirme que l’inégalité conduit à une croissance plus faible et à une efficacité moindre. Le manque d’opportunités signifie que les forces vives de la nation, sa population ne sont pas utilisées au mieux. Ainsi, la plupart des gens qui se trouvent en bas de l’échelle ou au milieu « ne peuvent réaliser pleinement leur potentiel parce que les riches, qui n’ont guère besoin des services publics et craignent qu’un gouvernement fort ne redistribue les richesses, usent de leur influence politique pour réduire les impôts et restreindre les dépenses publiques». Cela entraîne, forcément, un manque d’investissement dans les infrastructures, l’éducation et la technologie, qui finit par gripper les moteurs de croissance. Ainsi, lorsque l’inégalité atteint de tels extrêmes, il n’est pas surprenant, soutient Stiglitz, que ses effets se fassent sentir dans chaque décision publique, depuis la conduite de la politique monétaire jusqu’aux choix budgétaires.
En gros, ce sont les inégalités qui endiguent le développement d’un pays et accouchent d’une société à deux vitesses, voire même plus.
Enfin, le rapport finit par formuler des recommandations aux Etats en développement, pour réduire les inégalités, en instaurant un salaire minimum légal et en améliorant l’emploi public. Il prône aussi des politiques qui préservent la part des salariés dans le revenu national et en assurent la redistribution des revenus à travers une fiscalité progressive et des dépenses publiques. Ainsi, l’application de ces politiques contribuerait à réduire les inégalités en améliorant l’efficacité et la croissance économique.