98% de « oui » et 72% de participation, les scores de la nouvelle constitution viennent d’ouvrir une nouvelle page politique du Maroc, annonçant désormais les prémisses de la bataille électorale qui devrait se jouer à l’automne. Après le référendum le beau temps ? Il faut l’espérer, surtout après le tumulte provoqué au Maroc par ces 15 folles journées d’une campagne enflammée sur la nouvelle Constitution. Car en l’espace de deux semaines, la rue marocaine a donné l’impression d’être au bord de la cassure. Le nouveau texte fondamental introduit en effet, pour la première fois, des réformes démocratiques audacieuses pour les uns, mais insuffisantes pour d’autres. Le discours royal du 17 juin annonçant le référendum sur la nouvelle Constitution avait donné le ton. Le mot d’ordre « ne pas faire de quartier » semblait être devenu le credo de deux camps irrémédiablement opposés. Depuis la réforme de la Moudawana en faveur des droits des femmes en 2000, jamais projet n’a divisé aussi passionnément les marocains. Partisans et adversaires de la nouvelle Constitution qui vient d’être adoptée, se sont âprement opposés. Ce qui est d’ailleurs parfaitement compréhensible, vu que le nouveau texte marque un tournant pour le pays en termes de rééquilibrage des pouvoirs et de redistribution des rôles politiques, en préservant au Roi ses prérogatives d’arbitrage. Un tel enjeu ne pouvait laisser la rue indifférente. D’un côté, les opposants au projet de la Constitution réformée se sont regroupés au sein du Mouvement du 20 février. Le nom donné à ce mouvement correspond à la date de la première manifestation qui a réclamé des changements. Il compte dans ses rangs essentiellement les militants du mouvement islamiste non reconnu mais toléré Al Adl Wal Ihssane, en plus de trois petits partis de la gauche radicale. Bien qu’ils aient fait beaucoup de buzz sur Internet, la rue n’a pas rallié massivement leur cause. En face, les partisans majoritaires du nouveau texte constitutionnel représentaient les principaux partis politiques, les syndicats, les organisations de la société civile et les simples citoyens. Une fois le décor planté, la scène s’est embrasée. Manifestations monstres, slogans sans concession et débats médiatiques incendiaires ont ponctué ces deux semaines frénétiques. Avec toutefois une précision essentielle : les joutes étaient pacifiques et les rivalités s’exprimaient parfois même dans une ambiance bon enfant. Au final, le Maroc apparaît, au milieu du tumulte qui secoue le monde arabe, dans la posture du pays qui opère sa propre mue, dans la controverse et le débat contradictoire certes, mais paisiblement et sans effusion de sang. Une tolérance qui contraste avec les scènes de répression aveugle, de guerre civile et de chaos qui nous parviennent à longueur de journée d’autres contrées arabes pas si lointaines.