Benkirane, les femmes et le CNDH

manif-femmes-benkiraneLes blagues du chef du gouvernement sont parfois amusantes, parfois elles le sont moins. Mais la plus récente racontée par Benkirane sur l’épouse qui revient moins cher que la maîtresse, soulève une polémique d’autant plus clivante qu’elle intervient dans le sillage de la proposition du CNDH pour l’adoption de l’égalité homme-femme dans l’héritage.

Personne ne sait si le chef du gouvernement avait en tête la recommandation du Conseil national des Droits de l’Homme lorsqu’il a lancé sa blague. En tout cas, la réaction du parti islamiste dirigé par le chef du gouvernement s’est voulue à la mesure de la proposition du CNDH, qualifiée d’« irresponsable ».

Le Parti de la justice et du développement, qui dirige la coalition gouvernementale, a parlé d’une «violation flagrante» de la Constitution, et en particulier l’article 19 qui « encadre l’égalité homme-femme par les constantes religieuses et nationales » au Maroc. Et pour couper court au débat naissant, le PJD sort les versets du Coran qui encadrent strictement le partage de l’héritage.

Justement, le CNDH a pointé la législation successorale inégalitaire qui participe à perpétuer la vulnérabilité des femmes. D’autres pratiques traditionnelles, telles les règles régissant les terres collectives « participent à déposséder les femmes de leurs droits à la terre ou à la succession», selon le CNDH.

Mais si la proposition a été attaquée de front par les islamistes et autres conservateurs, le CNDH a en revanche reçu un large soutien de la part des ONG, des partis modernistes et de la société civile qui défendent l’égalité homme-femme.

Tous demandent que la législation successorale se conforme aux conventions internationales sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, que le Maroc a pourtant signées. Un débat qui rappelle celui de 2000, au sujet de la réforme de la Moudawana, et qui promet d’être passionnant aussi longtemps que prévalent les règles du débat d’idées.