Une loi très attendue tant par la société civile, le corps associatif que par les entrepreneurs et investisseurs nationaux et étrangers. Il était temps d’adopter une nouvelle loi pour renforcer l’arsenal juridique prévu par la nouvelle Constitution et qui vise à endiguer le fléau combien néfaste de la corruption la moralisation de la vie publique. Il s’agit d’un projet de loi protégeant les victimes de la corruption ainsi que les dénonciateurs et les témoins dans les procédures pénales contre les délits de corruption et de détournement des deniers publics. Après son adoption par la Chambre des Représentants, c’était au tour de la Chambre des Conseillers de se prononcer sur ce projet de loi qu’elle a adopté à l’unanimité ce mercredi et qui devrait entrer en vigueur après sa publication au bulletin officiel.
Contrairement à l’ancienne loi qui n’accordait aucune protection juridique aux victimes et aux dénonciateurs et plaçait corrompu et corrupteur sur un même pied d’égalité, le texte de loi tel qu’il a été modifié, est venu combler cette anomalie, en punissant seul le corrompu. Il assure en outre, une protection aux victimes de la corruption, aux experts, dénonciateurs et témoins qui bénéficient en plus de l’anonymat en procédure judiciaire, pour leur témoignage ou leur dénonciation des « crimes de corruption, de détournement, de trafic d’influence, de dilapidation des deniers publics ». Le nouveau dispositif juridique prévoit également un numéro de téléphone spécial qui sera désormais mis à la disposition des victimes pour « avertir la police en cas de menace ou de danger pesant sur leur sécurité ou celle de leur famille ».
Très revendiquée par les ONG marocaines dédiées à la lutte contre la corruption et les prévarications, détournements ou dilapidation des deniers publics, la nouvelle loi, présente plusieurs côtés positifs, mais elle a quand même, ses maillons de faiblesse. S’il est facile de combattre la grande corruption qui se manifeste entre autres, dans les appels d’offre pour l’attribution de gros marchés, les spécialistes des questions de la corruption, estiment que sur le plan pratique et juridique, il est très difficile de combattre et de réprimer la petite corruption qui se propage à grande échelle parmi la société civile. L’Etat ne va pas s’amuser à mettre en prison tous les corrompus parmi les gendarmes, les policiers, les douaniers, les agents d’autorité, les employés du fisc et de l’état civil qui perçoivent des billets de 20 ou 50 Dirhams pour un service rendu ou pour fermer les yeux sur une infraction à la loi. Même les tribunaux n’ont pas le temps et le personnel suffisant pour juger des milliers d’affaires de ce genre à longueur d’année. Parallèlement à la nouvelle loi qui est conçue, et c’est un bon point, pour protéger les victimes et dénonciateurs de la corruption, commentent les experts en la matière, le législateur marocain doit faire preuve de beaucoup d’imagination pour créer des mécanismes à même de faciliter l’application de cette loi sur le plan pratique. Par exemple au lieu de condamner les corrompus à des peines carcérales, de lourdes peines d’amendes seraient mieux appropriées pour les dissuader et en cas de récidive, ils devraient être suspendus de leurs fonctions et rayés de la fonction publique ou des rangs du corps armé auxquels ils appartiennent.
Dans ce cas de figure, précisent les experts, le projet de loi modifiant et complétant le code de procédure pénale en matière de corruption, a été conçu avant tout pour inciter les citoyens à contribuer à la moralisation de la vie politique transgresseurs de la loi. A l’ère du printemps arabe, la corruption qui ronge la société civile et l’économie du pays, ne devrait plus être banalisée comme avant.
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