A moins de trois mois de la date de tenue des élections législatives anticipées –sauf changement majeur de dernière minute- une option ne semble pas être retenue par les observateurs de la vie politique marocaine : une reconduction de l’Istiqlal à la tête du gouvernement. Scénario « exotique » pour certains, « inimaginable » pour d’autres, l’hypothèse que le parti d’Abbas El Fassi rempile est toutefois loin d’être irréaliste. Tout d’abord, il y a la question du poids électoral. En effet, même en cas de déroute majeure, l’Istiqlal est assuré de rester dans le trio de tête, voire de conserver le leadership politique du fait de la durée de temps réduite avant les élections, qui empêche le PJD d’organiser sa carte électorale et son déploiement local. Ceci est un élément prédominant, car bien que beaucoup prédisent un score « historique » pour le parti d’Abdelilah Benkirane, projetant même ce dernier à la primature, il semble que l’on aille un peu vite en besogne en négligeant le fait que els marocain, notamment dans les communes rurales, votent en majorité pour les figures connues, les « barons ». Dans le cas du PJD, il n’y a que très peu de « baronnies » locales, si l’on exclut l’entourage du milliardaire Miloud Chaabi. Ceci devrait donc jouer en toute logique pour l’Istiqlal, qui possède un ancrage régional important, et des outils de déploiement des structures du parti rôdées. Autre scénario : même si le PJD venait à se positionner en première place lors des élections à venir, rien ne dit qu’il réussira à façonner une coalition qui accepte de le suivre, n’ayant pas de réservoir de députés avec des partis ayant même référentiel, et ne pouvant compter sur une transhumance éclair du fait de son interdiction par la nouvelle constitution. S’il ne pouvait réunir une majorité derrière son nom, le PJD devrait alors céder la place –après quarante jours- au parti ayant effectué le second score lors des élections, qui ne pourrait être nul autre que…l’Istiqlal. Reste néanmoins une inconnue de taille : qui a aujourd’hui l’étoffe nécessaire pour diriger le parti et constituer un « premier ministrable » crédible aux yeux de l’opinion ? Si la jeune garde semble mal placée pour le moment (Ghellab , Douiri), les caciques ne devraient pas non plus avoir les faveurs de l’électorat (El Fassi, Elouafa), ce qui pose la question du renouvellement des instances dirigeantes. Dans ce contexte, la formidable capacité d’inertie de la base du parti semble être l’élément qui joue le plus en défaveur d’une reconduction du parti à la tête du gouvernement. Certains, parmi la jeune garde, estiment même qu’il serait salutaire que l’Istiqlal rejoigne les rangs de l’opposition pendant la prochaine mandature, afin de revenir en force lors des prochaines élections, avec des instances renouvelées et un dirigeant fort. Or, même si ce scénario, d’un point de vue tactique, semble être le plus approprié pour un parti qui est guetté par la sclérose, tout indique que l’Istiqlal jettera toutes ses forces dans la bataille afin de conserver son poids et son influence dans la future majorité.