Il fallait bien que cela arrive un jour, et cela a fini par arriver. Dans un grand entretien déballage accordé au Journal Du Dimanche , l’héritier de Jacques Foccart, l’avocat Robert Bourgi, s’est livré à un exercice de style inédit en dévoilant les ressorts de sa relation « privilégiée » avec la Chiraquie, émaillée de dizaines de millions de dollars de « dons » émanant de dictateurs africains afin de financer les campagnes électorales du « grand Jacques ». Bien que l’ancien Président soit apparemment visé, c’est en réalité l’ennemi intime de Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, qui serait en réalité la cible principale, le JDD lui consacrant sa « Une » et le présentant comme le principal interlocuteur de Bourgi. Ce dernier, bien qu’il courre le risque d’être poursuivi en justice, n’a semble-t-il pas hésité à attaquer frontalement De Villepin, avec lequel il a pourtant entretenu une discrète et –présumée-lucrative relation de vingt ans. Or, il n’est pas anodin que cette interview paraisse à un moment très particulier de l’histoire française, à la conjonction de trois moments politiques importants. Ainsi, vendredi, Dominique de Villepin annonçait sur la chaine française Canal + sa candidature à l’élection Présidentielle. Bien que cette candidature ne représente pas une réelle menace pour Nicolas Sarkozy, elle a le désavantage de lui prendre quelques points au centre, au risque que le Président sortant –au plus bas dans les sondages- ne puisse même pas être présent au second tour. Autre élément troublant, cette interview vérité intervient alors que le système sarkozyste est attaqué de toutes parts : mise en cause de Claude Guéant dans les écoutes du « Monde », soupçons d’argent liquide remis par Liliane Bettencourt, ou encore contrats douteux avec la Libye par l’intermédiaire du sulfureux Zaki Takiedinne (Un intime de Brice Hortefeux). La sortie très médiatique de Robert Bourgi constituerait donc pour les chiraquiens un contre-feu allumé par l’entourage présidentiel, surtout que Bourgi s’est converti depuis 2005 au sarkozysme, bien qu’il se défende que le système de financement à travers des valises de cash n’aie pas été reconduit. Nous sommes bien là dans un paradoxe typique de l’hexagone : un acteur important des relations avec l’Afrique révèle qu’il a convoyé plusieurs dizaines de millions d’euros en faveur de l’ancien président français…et il continue à jouer le conseiller occulte auprès de l’Elysée, sans que personne ne s’en émeuve outre mesure. Le troisième élément important dans cette affaire est la mise en cause récente d’un autre acteur de l’ombre, Alexandre Djouhri, qui serait le lien entre les réseaux Villepinistes et Sarkozystes . Cet intermédiaire qui cultive une discrétion poussée à l’extrême, et qui aurait amassé une fortune conséquente mais impossible à évaluer, naviguerait dans les eaux troubles des financements politiques occultes, acquis grâce à de juteux contrat avec des dictatures officiellement infréquentables. Derrière ces « boules puantes » que se lancent Sarkozystes et Villepinistes, certains estiment que la campagne électorale de 2012 vient d’être officiellement lancée, et qu’elle sera très probablement sanglante, atteignant des niveaux de bassesses inégalés. Ainsi, un fin connaisseur de l’entourage présidentiel estime que « Bourgi n’a pas pu faire sa sortie sans le OK de l’Elysée ». De surcroit, le fait que l’interview paraisse dans la publication dominicale (Le JDD) appartenant à un intime de Nicolas Sarkozy, Arnaud Lagardère, semble être une indication supplémentaire que Bourgi aie été envoyé au front pour « éliminer Villepin », toujours selon notre interlocuteur. Au delà de cela, nous sommes probablement en train d’assister à la fin d’une époque qui a marqué les trente dernières années de la vie politique française : celle du RPR triomphant. Heureusement pour lui que Chirac a perdu la mémoire.