Le quotidien américain The New York Times brosse un tableau particulièrement sombre de la situation en Algérie, affirmant que « un an après le Hirak, l’espoir d’un renouveau se dissipe ».
« Un an après qu’un soulèvement populaire ait chassé du pouvoir Abdelaziz Bouteflika, l’autocrate aux commandes depuis 20 ans, et conduit l’armée à placer en prison une grande partie de l’oligarchie dirigeante, l’espoir d’un changement radical du système politique et d’une vraie démocratie en Algérie se dissipe », écrit le chef de bureau du NYT à Paris, Adam Nossiter, qui s’est déplacé à Alger où il a notamment interviewé le président Abdelmadjid Tebboune.
Pour le quotidien américain, « les vieilles habitudes ont la vie dure dans ce pays du Maghreb qui a vécu près de 60 ans de répression, d’ingérence de l’armée, d’élections truquées, et très peu de démocratie ».
Lors de l’entretien avec le président algérien, ce dernier se défend que son pays est désormais « libre et démocratique » mais le journaliste américain rappelle que c’est au sein de ce même « ancien régime corrompu qu’il (Tebboune) a construit toute sa carrière ».
« L’Etat emprisonne les dissidents, et les sièges (du parlement ) sont à vendre — pour environ 540.000 dollars, d’après les aveux à la justice d’un parlementaire — dans cette même assemblée qui a ratifié la nouvelle constitution de M. Tebboune, rédigée après son accession au pouvoir suite à une élection contestée en décembre », analyse-t-il en rappelant que « l’opposition, elle, est affaiblie par son manque de leaders et l’absence d’un projet alternatif cohérent pour le pays ».
« Nous faisons marche arrière à toute vitesse », déplore dans ce contexte Mohcine Belabbas, un élu de l’opposition qui a joué un rôle important dans le soulèvement populaire.
Pour The New York Times, « il y a aujourd’hui deux récits politiques en Algérie: celui de M. Tebboune, du confort de son bureau, et celui de la rue ».
« Le soulèvement de la rue qui a commencé l’année dernière, connue sous le nom du Hirak, avait semblé au départ amorcer une nouvelle ère, dans un pays longtemps étouffé par ses militaires. Mais l’incapacité du mouvement à se regrouper derrière des dirigeants et à s’accorder sur des objectifs a créé un vide », écrit le quotidien américain de référence pour lequel « les vestiges de l’appareil répressif algérien et ses puissants services de sécurité sont rapidement intervenus pour le combler ».
En Algérie, rappelle encore la même source, « l’armée s’est très vite imposée sur la scène politique et n’a cessé d’y jouer un rôle capital, ouvertement ou en coulisses. La guerre civile avec les islamistes dans les années 90, qui fit près de 100 000 morts, n’a fait que consolider cette influence ».
Après avoir souligné que M. Tebboune, « un éphémère premier ministre sous M. Bouteflika, soupçonné d’avoir été soutenu par M. Gaid Salah » a été élu au terme d’un scrutin auquel ont pris part « moins de 10 % de la population », le quotidien américain indique que la pandémie du coronavirus « a mis un coup d’arrêt aux manifestations et depuis, le gouvernement joue à cache-cache avec ce qui reste du Hirak, arrêtant certains et relâchant d’autres ».
Le New York Times rappelle à cet effet l’arrestation et la condamnation pour « atteinte à l’unité nationale » du journaliste Khaled Drareni pour avoir dénoncé un « système (qui) se renouvelle sans cesse et refuse le changement ».
Durant son interview avec le président algérien, le journaliste américain note que M. Tebboune a encouragé ses ministres, « d’habitude réticents, à se laisser interviewer », allant même jusqu’à inciter son chef d’état-major, le général Saïd Chengriha, « d’ordinaire inaccessible aux médias, à s’y prêter également ».
« L’armée est neutre », se défend sans convaincre le militaire de 75 ans avant de s’interroger « comment voulez-vous que nous soyons impliqués en politique? Nous ne sommes pas du tout formés pour ça ».
Pourtant, « le général et le président affirment se réunir au moins deux fois par semaine pour s’entretenir de la situation du pays, qui est de plus en plus instable en raison de la baisse du prix du pétrole », écrit le quotidien en rappelant que le pétrole et le gaz constituent plus de 90% des exportations de l’Algérie qui, pour se sortir du gouffre actuel, à besoin d’un baril à 100 dollars, ce qui est loin de la réalité actuelle d’un marché en chute libre.