Après les tentatives successives d’appel au boycott puis de critique des résultats du référendum constitutionnel, Al Adl Wal Ihssane semble avoir opéré un revirement de stratégie. Celle-ci semble résolue à entamer un dialogue global sur la base d’un « pacte national ». Une nouvelle formule qui remplacerait logiquement son fameux et non moins célèbre « pacte islamique », lequel avait entre temps, été rebaptisé « pacte national global fondé sur l’islam ». «Nous vivons aujourd’hui une étape très sensible et un tournant historique réel. Nous devons faire le choix entre deux options. Soit nous continuerons de permettre aux personnes corrompues et aux despotes qui exploitent l’autorité et la fortune de diriger le pays vers l’inconnu. Soit nous choisirons tous, partis politiques, Mouvements et élites dans tous les domaines, d’assumer notre responsabilité historique devant Dieu, le peuple et la Nation, en affrontant la réalité et en entamant un dialogue global sur la base d’un pacte national. L’objectif étant de sauver notre pays qui est au bord du précipice (…). », a ainsi soutenu Al Adl Wal Ihssane dans son communiqué du 5 juillet dernier.A travers cette annonce, pour le moins surprenante, la jamaâ, s’adresse de manière inédite aux acteurs politiques directement concernés par la réforme et le changement, et fait part de sa volonté supposée de faire partie intégrante de ces derniers.Cette situation est loin de faire l’unanimité entre les observateurs. Certains y voient comme une recherche d’apaisement de la part d’Al Adl et une volonté de ne pas rester en marge des changements que s’apprête à vivre le Maroc. D’autres, s’interrogent sur les intentions réelles qui se cachent derrière ce nouveau discours. Dans cette ce cas de figure, Al Adl, en prétendant renoncer à son « pacte islamique », et appelant ouvertement au dialogue chercherait en réalité à renforcer sa position dans les rangs des opposants au régime, car après tout, l’union fait la force. Ce qui implique que si, le discours change, les objectifs initiaux eux, ne changent pas.Par ailleurs, comme le soutient le politologue Mohamed Darif, à travers ce nouvel appel au dialogue, Al Adl, tout en s’adressant directement aux forces politiques, s’adresse indirectement à l’état. La Jamaâ veut ainsi montrer qu’elle croit au dialogue et aux intérêts supérieurs de la nation, contrairement à ce qui se dit sur elle.Ainsi, la balle serait dans le camp de l’état qui, en pesant les pours et les contres, devrait faire le choix éclairé d’entamer, ou pas, le dialogue avec Al Adl. Avec toute la méfiance et le scepticisme qui entourent cette question, le choix s’annonce compliqué. Les prochains jours devraient nous en apprendre davantage sur la suite donnée aux événements. Une chose importante semble néanmoins guider les prémisses de revirement de stratégie : le souhait de ne pas laisser au PJD l’exclusivité de l’occupation du terrain islamo-conservateur, quitte à abandonner le discours radical de la Jamaa afin de ne pas se faire balayer par le parti dirigé par un Abdelilah Benkirane qui a le vent en poupe en ce moment et qui semble être le mieux plaçé pour l’instant . C’est donc une véritable partie de billard à trois bande qui est en train de se dérouler, car pour les spécialistes de l’Islam radical, l’ADN de la Jamaa reste inchangé, et ce changement de discours ne serait qu’un habillage afin de retrouver les faveurs d’une opinion qui se prépare aux législatives les plus ouvertes de l’histoire du royaume. Al Adl Wal Ihssane ne veut pas être en marge du débat.