Le gouvernement devrait enquêter de manière impartiale sur ces accusations
« Mener des enquêtes et poursuivre en justice, dans le respect des normes internationales en matière d’équité des procès, les membres des forces de sécurité malienne impliqués dans les tortures et dans les autres exactions ». Telle est la recommandation de Human Rights Watch (HRW) au gouvernement malien après les affirmations selon lesquelles des soldats ont torturé sept personnes soupçonnées d’être des membres de groupes armés à Léré, à proximité de Tombouctou. Les sept hommes, qui portaient tous sur le corps des traces visibles de torture, ont affirmé à HRW avoir été battus à coup de poing et de pied, brûlés et soumis à des injections forcées d’une substance corrosive ainsi qu’à des menaces de mort, alors qu’ils étaient détenus par l’armée entre le 15 février et le 4 mars 2013. L’un d’eux a affirmé avoir subi une torture avec de l’eau comparable à la technique du « simulacre de noyade » (waterboarding).
Les tortures et autres sévices infligés à ces hommes leur ont occasionné des blessures durables, a indiqué Human Rights Watch. L’un d’eux a perdu l’usage d’un œil après avoir reçu un coup de crosse de fusil au visage et un autre est devenu partiellement sourd du fait de nombreux coups de pied à la tête. Deux des hommes ont décrit comment ils avaient été brutalisés jusqu’à perdre connaissance, ce qui a entraîné chez l’un d’eux des vomissements sanglants et des saignements de nez. Un autre a affirmé avoir eu l’épaule brisée ou disloquée après avoir été violemment projeté au sol alors qu’il était ligoté, tandis qu’un autre a eu au moins une côte cassée. La plupart ont été ligotés, poignets et chevilles attachés derrière le dos, pendant des heures, parfois pendant plus de douze heures d’affilée. Tous avaient des cicatrices aux poignets causées par ces liens serrés et deux d’entre eux avaient perdu motricité et sensations dans un bras ou dans les deux, ce qui fait craindre la possibilité que des nerfs soient endommagés.
Il semble que les soldats aient infligé des tortures à ces hommes pour les punir de leur soutien présumé aux groupes islamistes armés, a relevé HRW. Bien qu’ils n’aient pas été soumis à des interrogatoires formels pendant leur détention par l’armée, les sept hommes ont indiqué avoir parfois été interrogés de manière informelle sur leurs prétendus rapports avec les groupes armés, y compris alors qu’ils étaient maltraités. Le 5 mars, les sept hommes ont été emmenés de Léré à Markala, à 265 kilomètres de distance, où ils ont été photographiés avec des fusils d’assaut Kalachnikov, des munitions, des motos et d’autres prétendues preuves de leur association avec les groupes armés. Les sept hommes ont nié une telle association et affirmé que les armes et les autres équipements ne leur appartenaient pas. « Le recours à la torture par des soldats qui ont précisément pour mandat de restaurer la sécurité dans le nord du Mali ne peut qu’aggraver une situation déjà difficile », a déclaré Corinne Dufka, chercheuse senior sur l’Afrique de l’Ouest à HRW. Et de poursuivre : « Le gouvernement malien devrait enquêter rapidement et de manière impartiale sur ces accusations et sur d’autres allégations d’exactions, sous peine de se retrouver dans une situation où son armée échapperait à tout contrôle et où les tensions intercommunautaires s’aggraveraient ». Les sept détenus, appartenant tous à l’ethnie touarègue et âgés de 21 à 66 ans, ont affirmé que les soldats les avaient arrêtés à proximité du marché aux bestiaux de Léré, où ils s’étaient rendus, venant de leurs villages, pour vendre des vaches. Deux d’entre eux ont été arrêtés alors qu’ils se cachaient dans une maison proche du marché.